Cet article fait partie d’une série de blogues illustrant comment les données sur l’eau sont utilisées pour protéger l’eau douce.
Le bassin versant du Lac Winnipeg s’étend à près d’un million de kilomètres carrés dans quatre provinces canadiennes et quatre états américains. Chaque printemps, la fonte des neiges dans ce vaste territoire entraîne un tsunami de phosphore dans le lac. Et c’est un problème majeur.
Le phosphore est un nutriment que l’on trouve dans les déchets d’élevage, les engrais et les eaux usées. Sur la terre, il favorise la croissance des plantes. Dans les milieux aquatiques, il alimente une explosion d’algues. Dans plusieurs cas, ces algues sont toxiques pour les humains et les animaux domestiques. Elles rendent les plages dangereuses pour la baignade et la navigation de plaisance difficile. Enfin, elles sont néfastes pour le garrot à œil d’or, la perche et d’autres pêcheries de la province, car elles nuisent aux poissons directement par leurs toxines et indirectement lorsqu’elles se décomposent, un processus qui consomme l’oxygène dont dépendent les poissons.
C’est pourquoi, en 2005, des citoyens soucieux de préserver la santé du dixième plus grand lac d’eau douce au monde ont créé la Lake Winnipeg Foundation (LWF). « Nous sommes une organisation composée de membres qui bénéficie également de l’expertise d’un conseil consultatif scientifique, » explique Chelsea Lobson, directrice des programmes à la LWF. « Nous sommes particulièrement bien placés pour faire le lien entre la science et l’action. »
Un moyen de le faire est la surveillance communautaire. En 2017, la LWF a mis en place un réseau de bénévoles et s’est associée à des partenaires de conservation pour surveiller les affluents plus petits, comme la Seine, qui ne font pas l’objet d’une surveillance régulière par les gouvernements. Armés de trousses de test, ils capturent des données cruciales lors de la fonte des neiges et de fortes pluies qui peuvent entraîner davantage de phosphore dans le lac.
Le programme s’est avéré très fructueux, car il a permis de repérer, d’année en année, des points névralgiques où l’on trouve de fortes concentrations de phosphore. Ces données sont transmises à Lake Winnipeg DataStream, une plateforme en libre accès que les bénévoles ont adoptée pour partager leurs données sur la qualité de l’eau. Selon Chelsea, l’utilisation de DataStream est intuitive et il est facile de suivre les tendances. Mais ce qui la passionne le plus dans DataStream, c’est la façon dont la plateforme peut éclairer les décisions.
Depuis des années, la LWF encourage les gouvernements, les bailleurs de fonds et les communautés à utiliser les données de surveillance communautaire de DataStream pour cibler les efforts sur les points névralgiques du phosphore où ils auront une incidence. L’année dernière, la fondation a constaté qu’elle devait suivre son propre conseil. Ainsi, lorsque le personnel et les membres du conseil ont commencé à élaborer leur plan stratégique 2023–2027, ils ont mis l’accent sur la modélisation de cette approche fondée sur des données probantes au moment d’établir les priorités.
L’une de ces priorités est de mieux comprendre ce qui est à l’origine des fortes charges de phosphore dans les points chauds persistants, qu’il s’agisse de l’élevage, des engrais, des eaux usées municipales ou autres activités. « Actuellement, nos données nous indiquent d’où vient le phosphore », explique Chelsea. « Mais elles ne disent pas ce qui est à l’origine de ces charges. »
Carte des exportations de phosphore (kg ha y), 2019.
La Fondation vise donc à collaborer avec des chercheurs universitaires et des partenaires gouvernementaux, en mettant en corrélation les informations relatives à l’utilisation des terres et les données de surveillance communautaire. « Nous avons également commencé à accroître notre capacité dans les points chauds persistants pour le phosphore. Nous avons notamment ajouté nos propres sites de mesure du débit afin d’améliorer la résolution de nos données, » explique Chelsea.
Grâce aux informations obtenues, la Fondation peut formuler des recommandations sur la manière de réduire les charges de phosphore, transformant ainsi un défi de taille à l’échelle du bassin versant en une liste réalisable de problèmes à résoudre.
Chelsea s’est jointe à la LWF pour créer ce type d’impact sur la santé de l’eau. Comme beaucoup de Manitobains, elle est profondément attachée au lac Winnipeg. Elle se souvient des étés de son enfance passés au chalet de son grand-père, à construire des châteaux de sable et à se promener le long de la rive qui semblait interminable.
« C’est un endroit vraiment magnifique », dit-elle. « Ce n’est pas pour rien que tant de gens s’efforcent de le protéger. »