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Cet article a été publié pour la première fois dans Medium

Reykjavík, Islande — 15 au 21 octobre 2023

Il semble que la pluie m’a suivie de Reykjavik. Et la COVID-19 aussi on dirait bien, alors que je me repose avec juste assez d’énergie pour rédiger un article sur ma semaine à l’Assemblée du cercle polaire arctique. Heureusement, je n’étais pas malade alors que j’étais à l’étranger, sinon ceci aurait été une toute autre histoire.

Alors, l’Assemblée du Cercle arctique (ACA) c’est quoi ? L’ACA est le « plus grand rassemblement international annuel sur l’Arctique », organisé par le Cercle arctique à Reykjavík, en Islande. Dans ce contexte, le Cercle arctique est fondé sur « le dialogue et la coopération internationale sur l’avenir de l’Arctique et de notre planète » (Cercle arctique, 2023). L’Assemblée accueille plus de 2 000 participants de tous horizons, originaires de plus de 60 pays, qui participent à environ 200 sessions sous forme de tables rondes, d’ateliers et de présentations. Des leaders autochtones, des étudiants, des représentants de gouvernements et d’états, des experts, des scientifiques, des environnementalistes, et des militants assistent à l’assemblée annuelle.  Je suis reconnaissante d’avoir eu l’opportunité de jouer un rôle lors de l’assemblée de cette année avec le soutien de la Gordon Foundation, du Forum des maires de l’Arctique et d’Affaires mondiales Canada.

J’ai en fait assisté à l’ACA après m’être réunie avec quinze autres jeunes de partout dans le Nord circumpolaire (Canada, Alaska, Kalaallit Nunaat, Sápmi, et Islande) et avoir créé des recommandations de politiques avec eux. Nous nous sommes réunis pendant deux jours avant l’ACA pour partager nos expériences de nos terres natales et de nos communautés à travers l’Arctique (subarctique pour moi) afin d’éclairer les recommandations de politiques pour que les  prochaines générations de leaders puissent demeurer dans l’Arctique. Nous avons utilisé notre propre expertise pour réfléchir aux domaines prioritaires des recommandations et nos connaissances collectives pour créer des solutions tangibles. Comme la vie dans l’Arctique, tout est relié. Nous avons décidé de nous diviser en trois domaines d’importance : Culture et communauté, Développement durable et Bien-être holistique, afin de simplifier et de clarifier nos recommandations de politiques.

Dans l’Arctique, nous subissons encore le colonialisme, l’oppression et l’exploitation. Nous sommes déterminés à agir maintenant pour nous-mêmes et pour les générations à venir afin de nous assurer que ce qui se passe dans nos communautés est dirigé PAR nous, POUR nous. Nous avons le droit de prendre des décisions et de faire partie des processus décisionnels, de participer ou de prendre du recul et, surtout, de donner un consentement éclairé sur ce qui se passe dans nos communautés. L’élaboration de recommandations de politiques nous permet de faire entendre notre voix, mais il est important de maintenir la pression sur les autorités dirigeantes pour éviter que nos recommandations tombent dans l’oubli ou soient bafouées. Il est important pour nous tous que nos recommandations de politiques soient respectées et mises en œuvre. Nous avons déjà commencé à les partager avec nos réseaux, nos organisations, nos dirigeants et nos décideurs. Nous avons également besoin que vous, nos gouvernements et ceux et celles qui disent se préoccuper de l’Arctique les mettent également en œuvre.

Notre première session publique sur le programmathon a eu lieu lors d’un débat à l’Assemblée, partagé par les membres de l’équipe : Kristen Tanche, de la Première Nation Łı́d́lıı̨ Kųę́, Dehcho Dene des Territoires du Nord-Ouest, Canada, et le jeune Sámi Brynjar Andersen Saus de Sápmi/Tromsø, en Norvège. Ils ont discuté de l’importance du programmathon, de nos progrès et de ce que signifie pour eux le fait de partager avec d’autres dirigeants, responsables et experts de l’Arctique. Les personnes présentes ont eu la chance d’être là et d’entendre ce que Kristen et Brynjar avaient à dire.

Kristen, Brynjar et Lotta Hagelin de Sápmi/Helsinki, Finlande, ont rédigé l’introduction à nos recommandations de politiques, y compris ce texte magnifiquement  concis :

Notre avenir dépend de la capacité des jeunes de toute la région à assumer des rôles de leadership. La prochaine génération doit guider le développement de l’Arctique de manière durable, en respectant et en honorant les valeurs naturelles et culturelles en place, tout en créant des opportunités et en contribuant à résoudre les plus grands défis auxquels sont confrontées nos sociétés et le monde en général. Nous croyons que la diversité et l’inclusion sont les pierres angulaires du maintien et du recrutement de la prochaine génération de dirigeants dans l’Arctique. Nous vivons dans l’Arctique en raison de nos moyens de subsistance traditionnels et professionnels et de notre culture. Nous voulons vivre dans des régions où nous pouvons pratiquer et être immergés dans notre culture et la partager avec d’autres. Nous nous sentons liés à la communauté, à la famille et à nos ancêtres. Nous éprouvons d’immenses émotions à l’égard du Nord, un lieu où nous nous sentons visibles et qui fait partie intégrante de notre identité. Nous sommes fiers d’être des habitants du Nord et nous ressentons un sentiment de responsabilité à l’égard du Nord qui est enraciné dans la poursuite de la pratique et du partage des cultures arctiques et autochtones. C’est dans l’Arctique que nous sommes motivés pour changer les choses et que nous avons l’impression de pouvoir nous développer. C’est notre foyer où nous voulons vivre, créer et exister.

***

(Avertissement sur le contenu : suicide)

Pendant mon séjour en Islande et depuis mon retour à Ottawa, deux jeunes femmes de ma communauté se sont suicidées. Certaines choses m’ont semblé hors de propos lors de l’Assemblée du Cercle arctique, compte tenu de tout ce qui se passe. Pour moi, cela a également mis en évidence la nécessité pour les Inuits et les peuples autochtones de l’Arctique d’avoir l’autonomie et le respect nécessaires pour diriger nos communautés de manière pertinente, pour soutenir nos communautés de la manière que nous jugeons appropriée et pour exister d’une manière qui soit à la fois curative et pacifique.

Je suis reconnaissante des nombreux enseignements que j’en ai tirés. Celui qui m’a le plus marquée a été présenté par Aluki Kotierk, Lisa Koperqualuk et Sara Olsvig lors de leur table ronde intitulée Systèmes de connaissances autochtones et forums internationaux  : Une évaluation des progrès. C’est au cours de cette table ronde que j’ai eu le sentiment que l’on me voyait, que l’on m’écoutait et que l’on m’appréciait à ma juste valeur. J’ai été cynique (à défaut d’un meilleur mot) ces derniers temps parce que j’ai l’impression de me répéter sans cesse en vain. J’ai parfois l’impression que mon plaidoyer en faveur de la justice climatique et du changement social se résume à crier dans le vide. J’ai commencé mon voyage en Islande en ressentant une lassitude du militantisme et en espérant un changement d’état d’esprit. Aluki, Lisa et Sara ont répondu à ma question à ce sujet, en soulignant qu’il y a 5 ou 10 ans, les choses étaient différentes de ce qu’elles sont aujourd’hui. Dans 5 ou 10 ans, les choses seront à nouveau différentes. Les choses seront différentes GRÂCE au travail que nous accomplissons aujourd’hui, et non malgré lui. Ils ont également dit qu’ils se répétaient souvent comme un disque, mais que nos voix et notre présence étaient nécessaires. Notre influence est nécessaire, et si nous continuons à regarder vers l’avant, nous aurons un jour la chance de regarder en arrière et de voir le chemin parcouru. Ils m’ont rappelé de m’affirmer et d’utiliser des moyens légaux/formels pour faire valoir les droits des Inuits et des Autochtones lorsque l’autre côté donne l’impression que ces droits n’existent pas. Ils m’ont également dit que « ce sont là les centres où les systèmes de connaissance sont créés ». Il est extrêmement important que ces centres comprennent qu’il existe différents types de connaissances et « Si je n’avais pas fait de commentaires, il y aurait eu un vide énorme et le changement n’aurait pas eu lieu ».

C’était exactement ce que j’avais besoin d’entendre.

Autres notes, idées et enseignements tirés du voyage :

  • Nous devons reconnaître les voix qui ont beaucoup à apporter mais qui ne peuvent pas assister à ces événements pour quelque raison que ce soit, notamment les personnes qui ont des enfants sans service de garde, qui n’ont pas les moyens de voyager, qui sont responsables de membres de leur famille et d’autres personnes, qui luttent contre la maladie mentale, et bien d’autres encore. Les voix des participants ne sont pas les seules à avoir besoin d’être entendues.
  • Des changements de paradigme sont nécessaires dans ces espaces coloniaux : nos chasseurs, nos artisans, nos aîné(e)s, nos soignants, nos locuteurs de langues et les membres de nos communautés sont également des maîtres et des experts à part entière (et pas seulement ceux et celles qui ont obtenu un diplôme d’une institution coloniale).
  • À un moment donné, j’ai demandé à Robert Sinclair (haut fonctionnaire de l’Arctique et directeur général, Affaires arctiques, eurasiennes et européennes, gouvernement du Canada) s’il pensait aux peuples autochtones dans le cadre de son travail, ce à quoi il a répondu non. Comment pouvons-nous faire pression de la bonne manière pour faire passer notre message ? Comment gérer la fragilité des Blancs, lorsque l’autre personne en fait consciemment ou inconsciemment une affaire personnelle ?
  • Nous ne pouvons pas continuer à donner la priorité uniquement à l’éducation occidentale et coloniale.
  • Dans de nombreuses communautés inuites et autres communautés autochtones, il est nécessaire d’adopter des approches qui tiennent compte des traumatismes.
  • « Succès » ≠ quitter sa ville natale.
  • Le savoir inuit est fondé sur la communauté et axé sur la communauté.
  • Nous avons besoin de soutien pour des personnes comme moi et les autres personnes présentes dans cette salle, qui sont des défenseurs du changement dans un monde aux systèmes lents et coloniaux.
  • Nous avons besoin d’autochtones de l’Arctique dans les espaces de prise de décision qui nous concernent à tous les niveaux, partout dans le monde.
  • Le changement climatique a un impact disproportionné sur les populations autochtones par rapport aux populations non autochtones.
  • Être un allié, ce n’est pas seulement le dire, c’est agir et s’engager.
  • Question : pouvons-nous élaborer des recommandations de politiques pour l’Arctique avec des personnes non autochtones ?
  • [sur la vie dans l’Arctique] : Je préfère parler ma langue plutôt que d’avoir un travail.
  • Que font les fonctionnaires du gouvernement fédéral (canadien) pour combler les lacunes en termes de politiques dirigées par les autochtones et les jeunes ?
  • Pensent-ils aux peuples autochtones lorsqu’ils élaborent ou modifient des politiques ?
  • Un colonisateur m’a mecspliqué ce qu’est « l’empathie ». Bye.
  • Les Blancs qui disent qu’ils « cherchent à embaucher » des autochtones le répètent souvent année après année, mais cela ne veut rien dire tant qu’ils ne font pas ce qu’ils disent.
  • Lisa: « Les connaissances autochtones sont perçues différemment par les scientifiques, les chercheurs et même les peuples autochtones. La connaissance autochtone est une science. Les connaissances traditionnelles existent, mais elles font partie des connaissances autochtones. »
  • Nous devons demander des comptes à nos élus.
  • J’ai l’impression que ma génération et les générations plus jeunes n’acceptent plus les injustices. Nous n’avons ni le temps, ni l’énergie, ni la patience pour la fragilité et la suprématie des Blancs.
  • Toutes les recommandations ne s’appliquent pas à tout le monde, mais pour garder des leaders dans l’Arctique, nous devons nous concentrer sur les domaines qui ont besoin d’être soutenus afin que nous puissions être sur un pied d’égalité. Comment pouvons-nous tendre vers ces soutiens ou agir en ce sens avec toutes les personnes concernées ?
  • Il y a tellement de priorités pour nos communautés, comment et par où commencer ? (Indice : pour moi, en ce moment, je vais manger un bol de soupe et faire une sieste. La Covid, c’est nul).

…ok, taima. Nakummek si vous avez lu jusqu’ici. Nos recommandations de politiques peuvent être consultées ici. N’hésitez pas à lire, à partager vos réflexions et à utiliser votre voix ❤.

À la prochaine,

Megan

légende de la photo sur la route de l’arc-en-ciel, vibrant en tant que femme queer Inuk 🙂 🙂

Nouveaux amis et passionnés de politique du programmathon de cette année (je vous aime tous !!):

Alma Linke Nilsen (Luleå, Sápmi/Suède) Ashley Rae Carvill (Carcross, Yukon, Canada) Brynjar Andersen Saus (Sápmi/Tromsø, Norvège) Eline T.O. Evjen (Bodø, Norvège) Gabe Canfield Kungunna (Kingikmiut, Alaska, É.-U.) Galadrielle Pommereau (Reykjavík, Islande) Jesse Rousu (Oulu, Finlande) Kristen Tanche (Liidlii Kue/Fort Simpson, T.N.-O., Canada.) Lauren Leadbetter (Fairbanks, Alaska, É.-U.) Lily Maniapik (Nunavut, Canada) Lotta Hagelin (Sápmi/Helsinki, Finlande) S. Maggi Snorrason (Reykjavík, Islande) Megan Dicker Nochasak (Nain, Nunatsiavut, Canada) Nils Joel Partapuoli (Sápmi/Årosjokk, Suède) Nukarleq Ivalo Jeremiassen (Aasiaat, Groenland)